Vinyle Underground : l’Essor des Labels DIY Japonais dans les Années 90
Entre l’effervescence des grandes métropoles nippones, Tokyo en tête, et la poésie urbaine de villes comme Osaka, une révolution silencieuse a balayé les platines : les pressages vinyle issus de la scène DIY japonaise des années 90. Si, à l’échelle mondiale, l’objet vinyle connaissait un déclin temporaire, une génération de mélomanes et de créateurs a fait du sillon noir l’emblème d’une liberté artistique insolente et durable. Les chiffres témoignent : en 1997, plus de 180 labels indépendants recensaient leurs propres pressages vinyle sur le sol japonais, générant une incroyable effervescence dans les magasins spécialisés nippons. Plongeons au cœur de cette épopée méconnue et pourtant si fondatrice de la culture vinyle contemporaine.
L’Énergie DIY nippone : entre underground, auto-production et culture locale
La scène DIY japonaise ne ressemble à aucune autre. Mue à la fois par des influences occidentales (UK punk, noise US) et par une identité profondément ancrée dans la culture de l’expérimentation, la décennie 90 a vu exploser le nombre de micro-labels pressant leurs propres disques. Des initiatives telles que PSF Records (créé à Tokyo en 1984 mais particulièrement prolifique dans les années 90), Gaji Records (Osaka), Less Than TV ou K.K. Null’s NUX Organization, ont littéralement inondé le marché de pressages ultra-limités, parfois à moins de 300 exemplaires par disque.
Côté format, le vinyle demeurait un choix revendiqué : son grain chaud, son potentiel de collector, sa dimension tactile et graphique faisaient figure de manifeste contre l’uniformisation du CD – malgré son boom dans le reste du monde. La pochette, souvent sérigraphiée ou illustrée à la main, comptait autant que le contenu : une pièce unique, un fragment d’art à exposer, à manipuler, à écouter activement.
Artistes et esthétiques : noise, hardcore, pop expérimentale et autres trésors
Ce qui frappe dans la dynamique DIY japonaise des 90’s, c’est la diversité et la radicalité. Les premiers pressages de Haino Keiji chez PSF, par exemple, sont aujourd’hui des objets de culte, tout comme les singles d’Incapacitants ou les maxis punk de BBQ CHICKENS. Le shoegaze et le post-rock n’étaient pas en reste : le label ZK Records a marqué les esprits avec son LP d’Astrobrite (“Hazy Wonder”, seulement 500 copies en 1998), aujourd’hui introuvable hors des cercles de collectionneurs avisés.
Les chiffres impressionnent : selon l’archive Vinyl Japan, on dénombre près de 2 300 références vinyles issues uniquement de labels DIY durant la décennie, soit plus de 4 fois la moyenne observée dans les années précédentes. Les collaborations, les splits, les pressages mono-face devenaient autant de terrains d’essais pour des groupes comme Corrupted ou Boredoms, deux figures ayant parfois pressé des 7″ en 150 exemplaires pour la simple beauté de la rareté.
Le vinyle comme manifeste : objet sonore, collector et passeport pour l’écoute active
Loin d’être un simple support, le vinyle s’imposait pour sa propension à transformer l’auditeur en acteur. L’écoute était rituelle : déposer l’aiguille, admirer la pochette (la série « House of Stairs » de PSF, sérigraphiée à la main, est aujourd’hui exposée dans des galeries), déchiffrer les notes obscures des inserts. Collectionner une édition originale d’un album noise de Masonna ou GOMIKAWA FUJIO, limité à 230 exemplaires sur NUX, c’était explorer un pan inconnu de l’histoire musicale japonaise.
Plus qu’un fétiche rétro, le vinyle restait le garant d’une fidélité sonore, non compressée, mettant en valeur les textures saturées du punk hardcore ou les drones abstraits de Fushitsusha. Collecter ces artefacts, c’était aussi préserver la mémoire de catalogues minuscules, souvent disparus à la fin de la décennie. En 1999, 72% des labels DIY ayant produit du vinyle dans la décennie étaient « inactifs », rendant ces pressages d’autant plus prisés aujourd’hui.
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Où (re)découvrir ces trésors aujourd’hui ?
Si le réseau de disquaires japonais s’est modernisé (Disk Union, Face Records…), la plupart de ces pressages sont aujourd’hui l’objet de chasses au trésor exaltantes sur les marketplaces spécialisées et dans les foires internationales. Les prix grimpent : un original de « Watashi Dake » de Keiji Haino peut dépasser 700 euros en 2024 ! Des labels comme Black Smoker, toujours actifs, raniment l’esprit DIY en rééditant ces classiques sur de courtes séries, prouvant que la flamme n’est pas éteinte.
Explorant l’univers vibrant des pressages vinyle DIY japonais des années 90, c’est côtoyer un patrimoine sonore unique, où l’objet, la musique et l’écoute active fusionnent dans une expérience globale. Pour une plongée dans ce Japon underground, je vous recommande d’écouter le sublime et rare « Hazy Wonder » d’Astrobrite, disponible sur www.limited-vinyl.fr. Avis aux passionnés de vinyle et de découvertes inouïes !







