Les labels français qui ravivent le jazz spiritual sur vinyle
Au cœur des mouvements modernes du vinyle, le jazz spiritual connaît une renaissance sonore, portée par une poignée de labels français passionnés. À contre-courant des tendances mainstream, ces artisans du disque exhument des trésors insoupçonnés et produisent de nouveaux enregistrements inspirés par la ferveur des années 60-70. L’essor du vinyle en France (+28 % de ventes en 2023 selon le SNEP) offre à ce courant une seconde vie, où la profondeur spirituelle se marie à la magie analogique pour les collectionneurs et les nouveaux auditeurs en quête de transcendance musicale.
La réédition au service de la mémoire : Heavenly Sweetness, pionnier français
Basé à Paris, Heavenly Sweetness s’est imposé depuis 2007 comme une référence incontournable du jazz spiritual sur vinyle. Ce label, qui affiche aujourd’hui plus de 250 références à son catalogue, redonne vie à des albums oubliés mais essentiels tels que les œuvres de Doug Hammond ou le sublime « Spacecraft » de William S. Fischer. En misant sur des rééditions haut de gamme (vinyles 180g, pochettes soignées, remastering analogique), Heavenly Sweetness séduit autant les audiophiles exigeants que les néophytes curieux. Résultat : certains tirages limités, comme “Reflections in Sea” de John Klemmer, se sont écoulés en moins de 2000 exemplaires en six mois, preuve de la passion suscitée.
Komos, la nouvelle vague française aux accents spirituels contemporains
Fondé en 2018, Komos s’affirme comme un laboratoire de la scène jazz cosmique française. Si le label ne se limite pas à la simple réédition, il mise sur l’expérimentation et la création moderne, à l’image des sorties d’Antoine Berjeaut (“Moving Cities”), ou encore du surprenant « Moonshine » du saxophoniste Laurent Bardainne & Tigre d’Eau Douce. Le vinyle représente ici un manifeste esthétique : 80 % des sorties Komos paraissent en édition vinyle, souvent pressées à moins de 1 000 exemplaires pour préserver une dimension collector. On note aussi un soin extrême accordé aux pochettes, illustrées par des artistes comme Jean Jullien ou Pierre-Marie, qui participent à l’expérience méditative de l’écoute active.
Soulitude et militance : Trad Vibe Records et le retour du spirituel engagé
Installé en banlieue parisienne, Trad Vibe Records s’est fait un nom en redonnant voix à de véritables perles du jazz engagé et spirituel, à l’instar de Jef Gilson ou de Chêne Noir. Le label, fort d’environ 70 sorties depuis sa création en 2004, s’adresse aux chercheurs de grooves rares ainsi qu’aux amateurs de spiritual jazz aux racines afro-cosmiques. En 2022, l’édition vinyle “Le Massacre du Printemps” du Chêne Noir, limitée à 500 exemplaires, s’est retrouvée sold out en quelques jours, illustrant l’engouement pour ce format. Le poids émotionnel du vinyle, sorte de rituel d’écoute, apparaît ici comme inséparable de la redécouverte d’un patrimoine musical militant.
Des labels 100% vinyle : Hot Casa et Born Bad, l’âme rare groove de la France
Pour les aventureux du jazz spirituel et des musiques cousines, Hot Casa et Born Bad Records incarnent cette frénésie vinylique hexagonale. Hot Casa, mené par Julien Lebrun et Dj Afshin, a déjà permis la réédition sur vinyle de près de 60 albums cultes, des spirituals nigérians d’Orlando Julius à la fusion afro-jazz du Paris Groove Collective. Du côté de Born Bad, le label ose des croisements audacieux, explorant la frontière entre jazz expérimental et cinématique avec des artistes comme Sphynx ou Alain Goraguer. À eux deux, ils s’imposent comme les catalyseurs d’une scène parallèle où l’objet-vinyle, tiré le plus souvent à moins de 700 exemplaires, devient un sésame pour passionnés et crate diggers.
Le vinyle, sésame sensoriel de la renaissance spiritual jazz
Au-delà des chiffres de pressing (certains labels avouent ne presser que 300 copies pour des albums de spiritual jazz confidentiels) ou des ventes record, la force du vinyle réside dans son pouvoir de ralentir le temps et d’ancrer l’auditeur dans une écoute active. Les pochettes élaborées, le cérémonial du déballage, la chaleur du sillon : tout concourt à faire du jazz spiritual en vinyle une expérience immersive, à la fois méditative et tangible. Ce n’est pas un hasard si près de 53 % des vinyles jazz vendus en France relèvent de rééditions selon Discogs, preuve d’une quête de sens et d’authenticité musicale.
La vitalité des labels français insuffle une nouvelle dimension à l’expérience vinyle : mémoire vivante, rituel sonore, et ouverture à des répertoires aussi rares que précieux. Pour prolonger ce voyage, plongez dans l’album “Afrika Sound” de l’insaisissable Ange Fandoh, récemment ressorti en édition limitée – un must pour tout amateur de méditations sonores, à savourer, platine allumée et esprit ouvert.







