Free Jazz New-Yorkais : Labels Mythiques et Pressages Vinyles Culte des 70s
Au cœur de l’incroyable effervescence musicale du New York des années 1970, un courant contestataire ébranle les codes du jazz traditionnel : le free jazz. Entre lofts surchauffés, sessions improvisées jusqu’à l’aube et audaces harmoniques, une poignée de labels indépendants donne à cette scène une identité sonore et visuelle sans équivalent. Ces vinyles introuvables, pressés à quelques centaines d’exemplaires, sont aujourd’hui sacrés par les collectionneurs et amoureux de galettes noires. Plongée dans cette contre-culture où chaque pochette raconte une révolution, où chaque sillon invite à l’écoute active et passionnée.
Saturn, Strata-East, India Navigation : L’Audace Pressée sur Vinyle
Si l’on pense souvent à Impulse! Records pour le free jazz, c’est pourtant dans l’underground new-yorkais que plusieurs micro-labels imposent leur patte. Strata-East, né en 1971 sous l’impulsion de Charles Tolliver et Stanley Cowell, opte pour un modèle coopératif inédit : chaque disque est le projet de son leader, qui garde tous les droits sur sa musique. Près de 60 pressages originaux entre 1971 et 1975, dont le mythique “Karma” de Pharoah Sanders ou le rarissime “Fleurette Africaine” de Billy Harper (moins de 1 000 copies). C’est l’âge d’or de l’objet-vinyle comme manifeste indépendant : tirages confidentiels, pochettes sérigraphiées, son chaud, vivant, parfois imparfait mais authentique.
India Navigation, fondé en 1973 par Bob Cummins, publie 34 albums jusqu’en 1978, portés par quelques figures majeures – citons Arthur Blythe avec l’incandescent “Metamorphosis” (seulement 500 pressages initiaux !) ou Daniel Carter, inclassable saxophoniste du free new-yorkais. Tenter de dénicher un original India Navigation aujourd’hui relève de la quête initiatique : certains pressages comme le “Nubians of Plutonia” d’Art Ensemble of Chicago dépassent les 500€ sur le marché, preuve de l’aura intacte de ces vinyles de l’ombre.
Les Lofts d’East Village : Une Scène Alternative Électrisante
Le New York des années 70 vibre jusqu’au bout de la nuit dans les lofts transformés en clubs éphémères. C’est là, sur Grand Street ou Bond Street, que Rashied Ali, batteur de Coltrane, fonde Survival Records : un label, un studio, mais surtout un repaire pour improvisateurs intrépides. Survival sort “New Directions in Modern Music” (1972), tremplin pour les futurs géants Frank Lowe ou Charles Gayle. Chaque galette pressée (rarement plus de 500 exemplaires) devient témoin des nuits d’improvisation collective, tandis que la qualité sonore brute, captée au plus près des instruments, sublime l’expérience de l’écoute sur vinyle.
En 1974, la scène loft voit émerger Mustevic Sound, label ultra-confidentiel du saxophoniste Jemeel Moondoc. Son premier pressage, “First Feeding”, est édité à 500 exemplaires et s’arrache aujourd’hui entre 700 et 900€ selon l’état du vinyle et de la pochette. Preuve de l’attachement tactile et affectif que nourrissent collectionneurs et amateurs pour ces premières éditions.
Les Pressages : Un Objet de Résistance et de Collection
Le vinyle occupe ici une place centrale : alors que les labels majors privilégient tirages massifs ou cassettes, l’underground free jazz choisit le 30 cm pour sa chaleur et sa dynamique — aucune remasterisation numérique ne peut lui rendre justice. Souvent manufacturés artisanalement (jusqu’à la sérigraphie des pochettes, comme chez Strata-East), ces disques deviennent vite objets de culte. Les chiffres impressionnent : aux États-Unis, un pressage original de “Unity” de Clifford Jordan dépasse fréquemment les 800€, tandis que “Cecil Taylor Unit” sur New World Records (tirage initial de 1000 copies) tutoie aujourd’hui les sommets chez Discogs.
Au fil des années, l’intérêt ne faiblit pas : entre 2015 et 2022, plus de 480% d’augmentation des recherches concernant les pressages free jazz 70s sur les plateformes spécialisées. C’est là tout l’attrait du vinyle : l’objet à caresser et à admirer, la pochette œuvre plastique, l’écoute attentive qui invite à ralentir le temps et à percevoir chaque souffle, chaque frottement, isolé sur la platine.
Des Artistes à Redécouvrir, Hors du Mainstream
Si certaines figures du free new-yorkais ont acquis une notoriété mondiale, l’histoire des labels indépendants regorge de joyaux restés confidentiels. On pense notamment à Luther Thomas, saxophoniste méconnu dont l’album “Funky Donkey” sur Circle Records n’a été pressé qu’à 420 exemplaires en 1976 — un sommet de groove explosif, aujourd’hui quasi introuvable. Ou à Karim Shabazz, trompettiste alchimiste hébergé par Anima Records en 1975, dont le disque “Shadow Rituals” n’existe qu’en 300 copies et n’a jamais été réédité à ce jour.
À travers ces pressages rares, c’est tout un pan de la création afro-américaine qui s’exprime, engagé et libéré des contraintes commerciales. Ces vinyles témoignent du refus du compromis, de la volonté d’innover par le son, la forme, la liberté d’improviser — et de tout graver, sans filtre, sur la cire.
En arpentant les sillons des labels free jazz new-yorkais des seventies, on pénètre autant une révolution musicale qu’un univers de collection où chaque pressage rare fait vibrer l’histoire. Pour une immersion sonore totale, posez sur la platine “New York Eye and Ear Control” (ESP-Disk, 1965 mais souvent réédité en 72-73), puis fermez les yeux : le free jazz n’a jamais été aussi brûlant. Et n’oubliez pas, chaque vinyle raconte un fragment de cette liberté effervescente !







