Le retour en force du pressage vinyle en Europe de l’Est
En pleine résurgence du vinyle, l’Europe de l’Est s’impose comme l’épicentre discret mais crucial de l’industrie du pressage. Derrière des pochettes envoûtantes et un son chaud inégalé, des usines mythiques comme Pallas, GZ Media ou Takt Press redéfinissent aujourd’hui la qualité, les volumes et même l’âme de nos galettes préférées. Plongée dans un univers où héritage industriel côtoie la modernité créative, et où le moindre sillon ravive la passion de milliers de collectionneurs.
GZ Media : le mastodonte tchèque, roi du vinyle mondial
Installée depuis 1951 à Loděnice, en République tchèque, GZ Media trône solidement comme le plus gros producteur de vinyles au monde. À elle seule, l’usine a pressé plus de 51 millions de disques en 2023, soit près de 40 % de la production mondiale ! Outre les albums d’artistes mainstream, GZ Media a remis sur platine des opus cultes de groupes indie et alternatifs comme La Femme ou Osees, et collabore régulièrement avec des labels iconiques tels que Ninja Tune ou Sacred Bones. La firme tire parti d’une équipe de plus de 2 000 salariés et de technologies hybrides, mêlant machines historiques et outils numériques, pour satisfaire un marché en explosion : rien qu’en dix ans, la production européenne a été multipliée par six, avec 180 millions de vinyles estimés pressés en 2023 à l’échelle continentale.
Pallas et Takt : la tradition allemande et polonaise à l’honneur
En Allemagne, la société Pallas Group est une figure remarquable et respectée du pressage vinyle depuis 1949. Avec ses 12 presses historiques, modernisées pour répondre à la demande actuelle, elle cultive l’excellence sur une gamme souvent prisée par les audiophiles : pressage 180g, séries limitées et colorées, reproductions d’albums jazz pointus (par exemple ceux de Nils Frahm ou Tangerine Dream). En 2022, Pallas a produit près de 7 millions de disques, dont nombre d’éditions de haute-fidélité accueillies sur le marché international, de la Scandinavie au Japon.
À l’est, près de Varsovie, Takt Press incarne la métamorphose industrielle polonaise. Cette usine historique, rénovée lors du boom vinyle des années 2010, a dépassé le seuil symbolique des 3 millions de disques sortis de ses chaînes en 2023. Takt Press s’est distinguée avec divers projets pour l’électro polonaise (comme Janka Nabay, pionnier du bubu music revisité), et spécialisée dans de somptueuses rééditions de classiques du prog rock d’Europe centrale. Takt brille aussi par ses finitions soignées, incluant de légendaires pochettes gatefold et marbrées, irrésistibles pour les collectionneurs passionnés.
L’eldorado des labels indépendants et des niches musicales
L’essor des capacités en Europe de l’Est n’a pas profité qu’aux majors : il a ouvert une voie royale aux labels DIY ou underground de toute l’Europe. Le coût moyen de pressage est en effet de 20 % inférieur à l’Ouest, permettant à des albums pointus – du jazz norvégien de Bugge Wesseltoft aux obscures sorties punk ukrainiennes – d’être gravés sur vinyle puis diffusés mondialement. De plus, certaines usines offrent des tirages très courts, ce qui est devenu essentiel dans l’économie de la micro-niche musicale. En 2024, près de 31 % des vinyles pressés en Europe émanaient de labels indépendants, sans le soutien logistique des majors, et une grande part est passée par Pallas, GZ Media ou Takt.
Un savoir-faire artisanal face à l’explosion de la demande
Si le disque vinyle fascine toujours, c’est pour la chaleur de son grain, la richesse tactile de l’objet, la beauté inimitable de la pochette et ce rituel d’écoute active, éloigné du zapping numérique. En 2023, plus d’1 européen sur 7 a acheté au moins un vinyle, une statistique inédite depuis 1990 ! Derrière l’engouement, les chaînes de Pallas, de GZ Media ou de Takt tournent à plein régime, multipliant innovations techniques (vinyle coloré, « splatter », picture discs, et même des éditions phosphorescentes inédites), tout en gardant ce savoir-faire, cette exigence artisanale qui fait la différence avec la production stérile d’autrefois. De l’édition limitée du « Velvet » de Sophie Hunger à la réédition hype du « Berlin » de Lou Doillon, la diversité et la créativité font vibrer la galette noire… et les amateurs y trouvent une nouvelle forme de collection précieuse, aisément transmissible de génération en génération.
L’avenir du vinyle européen s’écrit à l’Est
Entre modernité industrielle, passion patrimoniale et foisonnement créatif, le pressage vinyle d’Europe de l’Est est la pierre angulaire du revival que vit la galette noire. Pour les audiophiles comme pour les néophytes, c’est l’assurance de savourer ses albums différemment, du choix du disque à l’ouverture émerveillée de la pochette, en passant par le plaisir d’une écoute attentive – loin des algorithmes des plateformes. À découvrir ou redécouvrir : l’album « Yeti » du groupe culte Amon Düül II, dans sa réédition pressée à la perfection chez Pallas. Faites tourner la platine, l’histoire continue à s’écrire à l’Est !







