Bandes originales d’horreur 70’s : pourquoi le vinyle les ressuscite
L’écho d’un synthétiseur, une ligne de basse poisseuse, et déjà la tension monte. Les bandes originales de films d’horreur des années 70 connaissent une seconde jeunesse sur vinyle, galvanisant collectionneurs, aficionados et simples curieux. Véritables trésors sonores, ces OST, signées par des compositeurs rares, crèvent les plafonds de ventes sur le marché du disque : en 2023, les vinyles de bandes originales d’horreur vintage représentaient 9% des 2,7 millions de vinyles B.O. vendus en France (SNEP), un boom impressionnant. Pourquoi ce retour en grâce sanglant ? Plongée au cœur d’un phénomène fascinant.
L’empreinte sonore unique de la décennie
Les années 70 forment la matrice de l’horreur moderne au cinéma… et dans nos salons, à l’écoute du sillon. Oubliés, les orchestrations traditionnelles ! Place à l’expérimentation : synthétiseurs analogiques, percussions déstructurées, détournement d’instruments classiques. Une recette audacieuse qui trouve aujourd’hui une résonance particulière en vinyle, format de prédilection pour ces textures hors-normes. Le score du film Phantasm (1979), composé par Fred Myrow & Malcolm Seagrave, envoûte grâce à un Moog bourdonnant ; le vinyle Original Soundtrack, édité en série limitée à 1 000 exemplaires en 2017, s’arrache pour plus de 100 € sur Discogs.
Ce n’est pas un hasard si les ventes de bandes originales d’horreur pressées entre 2015 et 2023 ont doublé sur le marché indépendant américain (source : Vinyl Me, Please). Ressusciter ces sons sur vinyle, c’est retrouver la force primale d’un enregistrement analogique, là où le numérique lisse parfois la rugosité, l’étrangeté, l’effet de malaise si particulier à cette époque.
Objets cultes et pochettes légendaires
Le vinyle n’est pas qu’un support : c’est une expérience. Chaque disque d’horreur 70’s convoque un imaginaire fort, souvent multiplié par la puissance visuelle des pochettes. Le travail de Graham Humphreys sur la réédition vinyle de Suspiria, chef-d’œuvre du collectif Goblin, ou celui de l’artiste Jay Shaw pour Let’s Scare Jessica to Death, subliment l’objet. Selon l’Institut Nielsen, 71 % des acheteurs de vinyle en 2022 citaient la pochette comme déterminante dans l’acte d’achat.
Le poids sentimental joue aussi : retrouver en rayon l’édition colorée de Curtains (BO glaciaire de Paul Zaza, 1983), c’est faire revivre la chasse au disque rare, le frisson de l’inédit. Les pressages indépendants, tirés parfois à moins de 500 exemplaires, se négocient à prix d’or : la série Death Waltz a vu s’envoler, en 2021, House of the Devil (Jeff Grace), disque à la revente passé de 27 € à plus de 150 € en trois ans, avec une augmentation de 430 % sur les plateformes de vente internationale.
L’écoute active : revivre la peur comme au cinéma
L’horreur des seventies a une vertu rare : elle récompense l’écoute attentive, celle que le vinyle favorise naturellement. Manipuler un disque, poser le diamant, se laisser happer par le crac initial d’une plage, c’est déjà s’immerger. Le score de Tourist Trap (1979), œuvre méconnue de Pino Donaggio, est un cas d’école : rythmes hypnotiques, sirène lointaine, dissonances qui rampent jusqu’au cœur. Sur platine, ces détails percent et enveloppent les auditeurs mieux que n’importe quel streaming compressé.
Un sondage du Record Store Day 2022 a montré que 64 % des collectionneurs de vinyles d’horreur se disent en quête d’ »ambiance » ou de « frissons retrouvés », loin du simple hommage nostalgique. L’expérience devient quasi-rituelle, parfois cinéphile, souvent tactile : l’album Messiah of Evil, réédité par One Way Static en 2016, s’écoute intégralement, dans la pénombre, pour une immersion totale.
Le boom de la collection, fièvre mondiale
L’explosion actuelle du marché du vinyle (+13,4 % de ventes en France en 2023 selon le SNEP) n’aurait pas eu lieu sans l’irruption d’une génération de diggers rock/électro qui s’arrachent ces musiques de l’ombre. Sur Instagram, le hashtag #horrorsoundtrack a cumulé plus de 380 000 publications en 2023. Loin des blockbusters de Carpenter ou Goblin, des noms comme Stelvio Cipriani (Bay of Blood), Les Reed (I Don’t Want to Be Born) ou Daniele Patucchi (The Night Child) sortent des oubliettes grâce à ces passionnés, qui traquent chaque édition perdue.
Selon Discogs, les pressages originaux ou rééditions de B.O. d’horreur 70’s voient leur valeur augmenter de +17 % par an en moyenne, car chaque collectionneur cherche le Graal, l’exemplaire dédicacé, la version « blood splatter » tirée à 200 copies… Ce marché confidentiel entre désormais dans la lumière, relayé par des labels comme Waxwork Records, Finders Keepers ou Cineploit, ambassadeurs du revival horrifique sur platines.
Pérennité et transmission : la B.O. d’horreur comme héritage
Adopter sur vinyle une B.O. d’horreur vintage, c’est autant plonger dans un art oublié que perpétuer une tradition. Ces bandes originales, parfois absentes des plateformes ou disparues des cassettes, réapparaissent, restaurées, sublimées par le grain du microsillon. La transmission se fait aussi au fil des sillons, entre amis ou en famille, redécouvrant ensemble les frissons d’antan. Un rapport charnel qui va bien au-delà de la simple écoute passive.
Alors prêt à frissonner ? Montez le volume, tamisez la lumière, et laissez-vous submerger par l’atmosphère hallucinée de Don’t Look Now (B.O. signée Pino Donaggio, édition AMS Records), un disque à redécouvrir absolument pour mesurer toute la force du cinéma d’horreur seventies sur vinyle. La platine, elle, n’attend que votre prochain cri.







