Les pressages vinyles les plus rares : erreurs mythiques et disques cultes
L’univers du vinyle regorge de secrets jalousement gardés par les collectionneurs. Parmi eux, les erreurs de pressage fascinent autant qu’elles attisent les convoitises. Du disque mal étiqueté à la face inversée, ces “mispress” ont parfois transformé de simples galettes en trésors inestimables. Pourquoi ces anomalies enflamment-elles les passions et comment expliquer leur envolée sur le marché ? Décryptage de ces pièces d’exception et conseils pour repérer la perle rare dans la jungle des vinyles.
Quand l’accident devient objet de culte
La production industrielle d’un vinyle, bien qu’encadrée, réserve son lot d’imprévus. Un “mispress” désigne un disque sorti de l’usine avec une erreur : mauvaise piste, face inversée, étiquette du mauvais artiste — autant de détails qui distinguent ces pressages accidentels. Pour les amateurs, l’imperfection devient alors un gage de rareté. Selon Discogs, moins de 0,1% des vinyles pressés avant 1990 présentent une erreur notable, ce qui explique leur rareté.
Ce fétichisme de l’unique transcende le simple aspect sonore. Les collectionneurs, parfois prêts à investir jusqu’à 30 fois le prix initial pour une version fautive, font grimper la cote de ces disques ! Un exemple frappant : le pressage anglais du groupe post-punk The Raincoats (Rough Trade, 1979), dont les 500 premiers exemplaires comportaient une face B non terminée. Résultat, ces copies incomplètes se négocient aujourd’hui au-delà de 800 €.
Labels croisés et pochettes fantômes : le jeu des erreurs
Les erreurs de “mislabel” — soit l’étiquetage incorrect — ajoutent une dose de mystère. Il n’est pas rare, lors d’une visite en disquaire ou d’une brocante, de découvrir un vinyle dont l’étiquette ne correspond pas au contenu. En 1987, à cause d’un souci dans l’usine MPO, plusieurs exemplaires français du 33 tours du groupe coldwave Trisomie 21 ont été pressés avec une étiquette d’un album de jazz local. À peine 200 unités recensées, ce qui déchaîne aujourd’hui les collectionneurs européens, prêts à débourser jusqu’à 400 € pour l’obtenir.
Autre cas mythique : le maxi 45 tours “Ekki múkk” de Sigur Rós, sorti en 2012, dont une centaine d’exemplaires comportaient deux simples pochettes superposées, la première mal imprimée et coupée de travers. Les exemplaires “double sleeve” se revendent parfois trois fois plus cher que la version standard — la pochette, on l’oublie trop souvent, est un atout esthétique et un vecteur d’histoire dans la culture vinyle.
Le double pressage et les tracks fantômes : accidents recherchés
Certains vinyles voient deux albums pressés par erreur sur une des faces : le “double pressage”, cauchemar des ingénieurs, fait le bonheur des collectionneurs. C’est le cas d’un pressage italien du label Alternative Tentacles en 1983, où le split 45 tours de Flipper s’écoute… en alternance avec une compilation de l’obscur groupe italien Rats ! Une poignée d’exemplaires “chimériques” recensés, jamais réédités, dont certains s’arrachent aujourd’hui à plus de 500 € sur le marché international.
Plus rare encore, l’ajout de “ghost tracks” – pistes non listées et apparaissant à la suite d’une erreur technique. L’album “Broken English” (1979) de Marianne Faithfull, dans son pressage allemand original, affichait une version non censurée du titre “Why D’Ya Do It”, remplacée en urgence suite à une controverse. Moins de 300 exemplaires circulent : leur côte dépasse les 1 200 €. C’est l’exemple parfait où la différence se joue en quelques minutes gravées (ou effacées) dans la cire.
Autre anecdote récente :
le dernier vinyle des Wampas est sorti avec, à l’intérieur, l’album de Cali. Une erreur de fabrication qui n’a pas échappé aux fans, déclenchant un florilège de réactions ironiques sur les réseaux sociaux. « Je vais me procurer l’album de Cali, peut-être y trouverai-je des inédits des Rolling Stones », plaisante un internaute. Un autre ajoute : « Il va être collector, celui-là ! Ça peut valoir de la maille à la revente. »
L’échange de disques s’est produit à l’étape du pressage, mais ni la pochette ni les étiquettes ne laissaient présager l’erreur. Résultat : des acheteurs des Wampas se retrouvent à écouter la voix de Cali, dont l’album n’était même pas encore officiellement sorti.
Interrogé par plusieurs médias, le chanteur catalan a réagi avec humour : « C’est comme si quelqu’un avait échangé les bébés à la maternité. » Plus sérieusement, il avoue avoir été « un peu bouleversé » : « Quand on sait tout le travail, les difficultés, l’énergie que nécessite la sortie d’un nouvel album : ce serait bien que chacun fasse son travail correctement. »
Heureusement, pas de tension à l’horizon : les deux artistes se connaissent et ont déjà partagé plusieurs scènes. « J’ai échangé avec Didier Wampas, il prend cette mésaventure avec le sourire. Il m’a dit : ‘Comme ça, tu auras plus de fans !’ », rapporte Cali.
Pour l’anecdote, en 2009, Universal avait proposé à Didier Wampas de chanter un duo avec Cali. Le chanteur avait refusé… avec une chanson à la clé. Le premier couplet était sans équivoque : « Un duo avec Cali, navré ça n’m’intéresse pas, imagination zéro. »
Pourquoi tant de passion pour ces anomalies ?
La quête du pressage fautif tient autant de la chasse au trésor que de la passion pour l’objet. Un vinyle “mispress”, c’est bien plus qu’une curiosité : c’est un fragment de l’histoire musicale, une anomalie qui raconte l’imperfection humaine derrière l’industrie. Cela confère une dimension sentimentale et intellectuelle forte. Sachant que le marché du vinyle d’occasion a généré plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en Europe en 2023 (étude Discogs/IFPI), nul étonnement à voir grimper la cote des éditions fautives.
L’écoute active d’un vinyle fautif fait également vivre l’expérience autrement : à la surprise de la découverte s’ajoute la matérialité du support, l’effet unique de la pochette, le son souvent “brut”, moins compressé que les supports modernes. L’objet physique, marqué par l’erreur, raconte son propre conte.
Erreurs de pressage : prudence et authentification
Dans l’univers du vinyle, attention : toutes les erreurs ne se valent pas. Seules celles recensées, référencées et recherchées ont de la valeur. On peut vérifier l’historique sur des bases comme Discogs ou Popsike, scruter forums spécialisés et demander l’avis d’experts, notamment lorsqu’une cote dépasse les 500 €. Il existe aussi des faux, comme certains pressages pirates d’albums de Virgin Prunes “vendus” comme mal pressés, pourtant simplement contrefaits et sans valeur ajoutée pour les puristes.
l’imperfection, âme du vinyle
Les erreurs de pressage sont la preuve que la perfection s’efface parfois devant la magie du hasard. Chaque disque comportant une “anomalie” porte en lui une histoire parallèle, une valeur sentimentale et parfois pécuniaire. De la coldwave française à l’avant-garde islandaise, ces mythes fascinent car ils rendent le vinyle vivant, singulier et engageant. Pour prolonger le plaisir de la chasse, installez-vous avec l’une des trouvailles majeures du genre, comme le tout premier pressage “accidenté” de The Raincoats, et laissez l’aiguille révéler ses secrets uniques – car sur vinyle, chaque défaut devient parfois chef-d’œuvre.







